mardi 28 août 2012

Île d'Yeu - Claude Bugeon - écrivain poète peintre botaniste

L'Île d'Yeu.
Claude Bugeon arrive à notre rendez-vous à vélo. Il ne pouvait pas en être autrement pour cet homme qui écrit :" Entre deux pointes je danse ma vie."
Très vite, je l'écoute intensément. Ses idées surgissent au grand galop. Elles sont brillantes. Je devine aussi qu'elles peuvent déranger. Il y a parfois une colère qui pointe, mais Claude Bugeon possède la souplesse du végétal.
Après l'avoir écouté, j'ai découvert sa peinture et suis repartie avec l'un de ses tableaux qu'on dirait sorti de la tempête avec un cargo penché à l'horizon. (1987)
Puis j'ai lu son Journal insulaire et le voyage s'est poursuivi de longs jours. Il me semble avoir à ses côtés " marcher encore et encore sans savoir où aller", saisir " ce monde léger comme une soie qu'on chiffonne", découvrir "ce chemin inondé jusqu'à la roche sculptée" et enfin "emprunter la lande étroite qui va vers le village côtier". Claude Bugeon a fait de l'île d'Yeu son sujet d'étude. Avec Marie pendant 20 ans il a réalisé les inventaires de la flore, de la préhistoire, des contes et légendes, du parler, des textes anciens. Mémoire incontournable.
Cet écrivain poète peintre botaniste, j'ajoute philosophe, est à rencontrer. Mais mieux vaut ensuite s'effacer pour fertiliser ses mots et ses images, avant de le rencontrer à nouveau.


Extrait de "Perpetuus Liber" journal insulaire - Bois de Lune 1982 - 2005
Editions les Sèvenelles

Jour lent... Tout semble avoir été dit, découvert. Ennui profond instillé par l'indifférence du monde. S'occuper, tenir, dérocter l'instant qui cache une révélation. Laisser aller, subrepticement capter mouvements et sons fugitifs, sans juger, sans filtrer, aujourd'hui il faut tout prendre. Il n'existe pas d'activité aussi gratuite qui gomme avec autant de perfection l'ennuyeuse et destructrice impression d'être délaissé, ou cette idée saugrenue que l'être humain doit "gagner" cette vie...
Vivre de peu s'il le faut, et vivre de tout quand il le faut. Gueuler dans le vent S'immobiliser au soleil, sous la pluie, cesser le tri épuisant de l'utile et de l'inutile, du plaisant et du déplaisant. Se détacher. Et même, exceptionnellement, cesser tout acte de création.
Alors, in extremis, une île perce progressivement les eaux !

Extrait
Un lézard dérape et se rattrape aux racines que côtoie mon épaule. Il s'arrête, me regarde, tous deux coeurs palpitants, peut-être coeurs confondus.  
  
Dernier extrait
Cependant l'île ne se livre plus que hors saison, en automne et en hiver, quand ses nuages défilent et que souffle la tempête, et quand tourne parfois l'ouragan issu des puissances cachées, oeil du déluge. Au début du printemps, en son presque abandon, l'île rouvre soudain son unique paupière, animal fabuleux, elle fait le gros dos, jette les panaches mordorés des derniers mois solitaires, se recoiffe, puis reprend de riantes et jeunes couleurs. Alors rien d'elle ne peut être pris comme objet superficiel, de septembre à juin elle me donne à penser sur ce qu'elle est, puis, en juillet et août, sur ce qu'elle n'est pas. Je me sens toujours tiré vers le haut, et pour cela je la respecte.                                                                               

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